A peu près 25 élections présidentielles, législatives et locales sont prévues en Afrique en 2011.2 L’Union Africaine a reconnu les prochaines élections prévues en République démocratique du Congo (RDC) comme celles qui méritent une attention particulière. Cela s’explique par le fait que beaucoup de parties du pays, y compris les provinces du Nord et du Sud Kivu, du Bas-Congo et de l’Equateur, sont toujours les théí¢tres des conflits violents. Ce climat décrit le contexte dans lequel se dérouleront les élections multipartites prévues le 28 novembre 2011. Le présent document donnera un aperçu général des violences liées aux élections en RDC et décrira le paysage politique du pays. Nous analyserons les menaces sous-jacentes et immédiates capables de déclencher des violences liées aux élections. Nous formulerons aussi des recommandations sur les rôles que peuvent jouer les différents acteurs dans la gestion immédiate des violences liées aux élections pour nous assurer d’avoir des résultats satisfaisants aux élections.
La violence électorale est définie comme étant un acte (ou une menace) de coercition, d’intimidation ou des dommages physiques, posé pour affecter le processus électoral. Ce sont des actes (ou des menaces) posés dans le contexte de la compétition électorale. Une autre définition dit que les conflits et les violences électoraux désignent tout acte (ou menace) aveugle ou organisé posé pour intimider, infliger des blessures physiques, faire du chantage, ou insulter un acteur politique en cherchant í déterminer, í retarder ou, autrement dit, í influencer un processus électoral. La violence est également utilisée pour exprimer la frustration ou le mécontentement face í un processus électoral entaché de fraudes et d’irrégularités. Cette pratique de la violence devient particulièrement remarquable quand des frustrations, préexistantes ou inexprimées, se mêlent dans un système de gouvernance inefficace et des promesses électorales non-tenues. La violence électorale en Afrique se manifeste sous diverses formes dont les assassinats politiques, les détentions, les émeutes, les incendies criminels, les pillages, les attentats í la bombe, les brutalités politiques, les destructions et les dégí¢ts matériels. Les élections de 2006 et les prochaines élections prévues en RDC révèlent les incidents antérieurs du même genre. En 2006, on a observé que la violence dans certaines parties du pays s’était intensifiée même avant les élections.3
D’importantes questions méritent notre réflexion: Pourquoi les violences liées aux élections sont-elles devenues des outils utilisés pendant les élections en RDC et quels sont les avantages qu’apportent les violences liées aux élections? Les violences liées aux élections tendent í se manifester dans un pays en transition, sortant d’un régime autoritaire ou d’un système í partie unique pour entrer dans la politique multipartite comme c’est le cas de la RDC. On s’attend í ce que les démocraties émergentes, surtout celles qui héritent d’un régime fortement autoritaire ou ayant des clivages ethniques profonds, soient confrontées au problème de gestion de l’opposition politique. Dans sa transition vers le système multipartite, le climat politique du pays a été caractérisé par des rivalités politiques et par la mentalité selon laquelle tout revient au gagnant des élections. Le fait que beaucoup de groupes n’ont pas bénéficié comme il faut des fruits de la paix, et que les richesses continuent í aller í une poignée de personnes au pouvoir, crée le désir intense d’aspirer í la gestion des affaires politiques í tout prix. Les élections en RDC peuvent donc être définies comme un processus extrêmement compétitif entre groupes politiques en vue d’avoir accès au pouvoir et aux ressources. Les partis membres de la coalition et leurs sympathisants se voient également concernés dans ce processus compétitif. Ils sont mobilisés et, avec assez de motivation, ils peuvent contribuer í la violence pendant le processus électoral. Si la violence peut s’intensifier pendant les élections, elle se reflète aussi dans le contexte socioéconomique du pays.
Pour comprendre le contexte socioéconomique de la RDC, il faut réfléchir sur les premières élections multipartites organisées dans le pays. Le fait de passer des décennies d’un régime autoritariste í un système multipartite a suscité, en 2006, de grandes promesses de démocratie et de bénéfices économiques. Cet espoir était remarquable dans les diverses promesses électorales faites par le président sortant, Joseph Kabila. En jetant un regard rétrospectif aujourd’hui, on voit que beaucoup de ces promesses électorales n’ont jamais été tenues; par contre, le travail du Gouvernement est caractérisé par le manque de mécanisme de contrôle, il n’y a pas eu de progrès significatif en matière de réformes des institutions-clés (décentralisation et secteur de la sécurité). En l’espace de quatre ans, très peu a été réalisé pour reconstruire le pays í travers les cinq chantiers (priorités stratégiques de développement): les infrastructures, la santé, l’éducation, le logement et l’emploi.4 Ainsi, elle devient évidente, l’idée selon laquelle le peuple recourt í la violence au moment oí¹ on tend vers les élections comme réaction í la mauvaise gouvernance, í la répression politique et í la marginalisation.
Les premières élections multipartites de la RDC ont été organisées en juillet 2006. Même si ces élections ont été jugées apaisées et réussies en général, il y avait des incidents sporadiques caractérisés par des attaques violentes aux bureaux de vote et de violentes manifestations dans les rues. La mission d’observation des élections de l’EISA (Institut électoral pour le développement durable en Afrique) déployée dans le pays avait signalé des incidents associés aux périodes des tensions de campagnes: montée des tensions tribales, désordres aveugles et injustifiés, répression des manifestations de rues organisées par les partis politiques, confiscation des matériels de campagne et affrontements entre les gardes de Kabila et ceux de Jean-Pierre Bemba se soldant par 23 morts et blessés. Le combat qui a opposé les troupes de Bemba aux loyalistes de Kabila avait commencé í une station de télévision appartenant au Vice-président de la République au centre-ville de Kinshasa, peu avant l’annonce des résultats.5 D’après les résultats des élections, M. Joseph Kabila a été proclamé Président de la République; cela a créé un tollé des autres aspirants í la présidence de la république qui ont crié í la fraude.
Avant de procéder í un examen approfondi de la nature actuelle des violences liées aux élections en RDC, il est important de comprendre d’abord le paysage électoral du pays. Cela pourra apporter toute la lumière sur le cours des événements qui ont conduit aux élections et í l’émergence des problèmes politiques. Les lignes qui suivent décriront la situation dans laquelle se sont produits les incidents des violences liées aux élections.
Le processus électoral a connu des problèmes techniques et des retards considérables. La loi électorale a été finalisée le 15 juin 2011, après des rejets et des désaccords au Parlement sur certaines sections de ce document. Les retards de finalisation de la liste électorale ont été attribués aux erreurs de conception, í l’insuffisance des kits électoraux, í la lenteur des opérations d’enrôlement et au décaissement tardif de la contribution du Gouvernement au budget des élections. En outre, l’absence de sécurité dans certaines zones comme les territoires de Mweka et de Beni, dans le Kivu, et des problèmes géographiques (dus í la grande superficie du pays) dans les provinces de Bandundu et de l’Equateur, ont retardé les opérations des centres d’enrôlement.6 Ces retards ont conduit au changement de la date de l’élection présidentielle, du 5 septembre au 28 novembre 2011. La révision et le débat parlementaire sur la législation portant création de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ont été í plusieurs reprises reportés et, í cause de tout cela, la CENI a été créée un an plus tard que prévu et la nomination de ses membres a été également retardée.7 Suite í tout ce qui précède, le personnel (de la CENI) était obligé de s’organiser rapidement et de se préparer í l’organisation des élections. La CENI est composée des parlementaires (des politiciens) sans représentation de la société civile. Aucun mécanisme n’a été mis en place pour régler, de façon satisfaisante, les contestations des résultats issus des élections. Comme la Cour constitutionnelle n’est pas encore en place, c’est la Cour suprême qui devra arbitrer les litiges électoraux comme cela a été le cas en 2006.8
Actuellement, parmi les aspirants í la présidence de la république, il y a le sortant Joseph Kabila du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) qui a été élu Président de la République í l’élection de 2006. Alors qu’il y a aujourd’hui un peu plus de 500 parties politiques reconnus, très peu seulement se distinguent par le grand nombre de leurs membres et l’envergure de leur influence. Il s’agit de partis d’opposition tels que l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) dirigé par le vétéran de la politique Etienne Tshisekedi; et le tout nouveau parti UNC (Union pour la nation congolaise) sous la direction de Vital Kamerhe, ancien directeur de campagne du président Kabila en 2006. Ces deux candidats de l’opposition sont jugés être de sérieux concurrents même si l’opposition se trouve dans un piètre état, confrontée í des problèmes de capacités internes et í l’insuffisance de fonds pour préparer les partis et les campagnes (électorales).9 Les trios principaux partis d’opposition, í savoir l’UDPS, l’UNC et le MLC (Mouvement de libération du Congo) n’ont pas réussi í constituer un front commun suite aux contestations de leadership, aux dissensions internes et au fait qu’ils tirent leur appui dans les mêmes zones géographiques.10
Il y a également des différends entre les divers partis politiques sur le rôle électoral et la composition de la CENI. Cette dynamique entre partis reflète les problèmes qui existent í l’intérieur même des partis politiques. Depuis le début de la période électorale, il y a de nombreux rapports faisant état de querelles internes et de défections des membres allant d’un parti í l’autre. Par exemple, il y a eu des dissentiments internes entre l’aile Tshisekedi et l’aile Beltchika au sein de l’UDPS. Le MLC n’a pas pu organiser son congrès prévu en avril 2011 suite aux multiples défections et expulsions.11
Tous les candidats aux prochaines élections se sont engagés í accepter les résultats des élections aussi longtemps qu’elles sont jugées libres et justes.12 Cependant, cela n’écarte pas la possibilité de violentes réactions surtout í l’annonce des résultats dans les circonscriptions électorales. Par ailleurs, il y a la perception selon laquelle les élections seront naturellement entachées (de fraudes) í cause des irrégularités constatées récemment lors de l’enrôlement des électeurs. Cet argument sert de base au déclenchement des violences liées aux élections.
Au moment oí¹ la prochaine présidentielle approche, des cas de disputes, de controverses et de violences ont été signalés. Un communiqué de presse de la MONUSCO (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo) a attiré l’attention du public sur la montée des cas de violences enregistrées í Kinshasa, la capitale, et í travers le pays et comment cela pourrait compromettre le bon déroulement des opérations électorales.13 Les organisations de la société civile et l’ONU ont déjí exprimé leur préoccupation sur des violences électorales éventuelles. Dans son rapport, le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon, a déclaré que des violations des droits de l’homme motivées par des considérations politiques deviennent de plus en plus courantes pendant la période pré-électorale. Il a fait remarquer que depuis janvier, le bureau mixte de la mission onusienne de protection des droits de l’homme a signalé plus de 100 incidents qui visaient les membres et les sympathisants des partis politiques de l’opposition politique, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme í Kinshasa, au Maniema, au Sud-Kivu et dans la province Orientale.14 Il a par ailleurs invité la communauté nationale, régionale et internationale í s’investir dans la prévention de la violence électorale non seulement avant, mais aussi pendant et après les élections.
D’après un récent rapport publié par Human Rights Watch, une coalition de 47 organisations congolaises et internationales a invité la Mission de l’ONU í former une unité spéciale de suivi qui se chargera d’enregistrer tous les cas de violences liées aux élections, surtout les attaques et les menaces í l’endroit des candidats politiques, des circonscriptions électorales acquises aux partis, des journalistes, et des défenseurs des droits de l’homme. Des rapports faisant état de tensions entre le PPRD du Président Joseph Kabila et l’UDPS du leader de l’opposition Etienne Tshisekedi disent que ces tensions ont des liens avec les récents conflits observés dans le pays.15 Le 5 septembre, une foule des sympathisants du Président Joseph Kabila ont attaqué environ 1.000 supporters d’Etienne Tshisekedi devant le siège du parti. Ces derniers avaient réagi en mettant du feu sur un bí¢timent du PPRD et ils ont brí»lé sept voitures.16 Dans une confrontation contre les manifestants en juillet, les agents de police ont tué par balle un civil í Kinshasa.17 Un aboutissement heureux d’une élection n’est pas toujours une garantie d’avoir la paix, la stabilité et la démocratie dans un pays sortant de conflits, cela demande que les prochaines élections soient suivies de près de façon efficiente.
Un point critique qui mérite la réflexion des décideurs; c’est la question de savoir s’il est possible de faciliter, en RDC, des élections libres et transparentes, sans violences, pour s’assurer d’une transition apaisée. Cette question est pertinente parce qu’elle évoque les difficultés connues lors des dernières élections: «Comment prévenir efficacement les violences liées aux élections avant qu’elles n’éclatent?» Malgré l’expérience acquise aux élections de 2006, les récents incidents démontrent que les facteurs déclencheurs des violences liées aux élections connues dans le passé n’ont jamais été éliminés. Un autre motif de préoccupation; c’est la disponibilité des ressources í allouer í la prévention et í la gestion des violences liées aux élections dans une situation déjí limitée par des contraintes financières. En RDC, la question prioritaire (actuellement) est de s’assurer que le matériel et les fonds nécessaires pour tenir les élections le 28 novembre 2011 sont disponibles. En outre, la question de sécurisation du processus électoral reste secondaire aux yeux des organisateurs.18 Au moment oí¹ la date des élections approche, des menaces immédiates émergent en grand nombre, certaines auront un impact négatif éventuel sur les efforts de consolidation de la paix et sur l’assurance d’avoir eu des résultats des élections jugées apaisées.
Les imperfections et les problèmes constatés dans le récent processus d’enrôlement des électeurs sont, entre autres: l’identification par les dirigeants de l’opposition des agents corrompus, du matériel (électoral) inadéquat, des centres d’enrôlement insuffisants. Certains rapports font état d’enrôlement des enfants de 10 et 11ans, des personnes avec plusieurs cartes d’électeur parce qu’elles se sont enrôlées plusieurs fois. D’autres se plaignent que les centres d’enrôlement étaient situés dans des milieux favorables au président actuel, loin de lí oí¹ l’opposition est très populaire. Les conclusions sont que le processus d’enrôlement n’a pas été géré de façon efficace et que des pratiques frauduleuses ont été í la base des appels en faveur de l’implication des acteurs internationaux pour surveiller le processus électoral afin de veiller í la transparence de celui-ci. Le manque de transparence et les retards accumulés dans l’enrôlement des électeurs font croire que ces points resteront des défis í relever dans ce processus électoral.
Il est déjí prévu des retards éventuels et cela n’est pas bon dans une situation oí¹ l’opposition accuse déjí le Président Joseph Kabila d’essayer de truquer les prochaines élections. Des retards possibles sont attribués aux coí»ts élevés d’organisation des élections; les statistiques démontrent que les coí»ts ont augmenté de US$ 700 millions í 1,2 milliards, même si le Gouvernement s’est engagé í couvrir 70% desdits coí»ts.19 En outre, les préparatifs sont inachevés parce que le matériel électoral (les ordinateurs, les urnes, etc.), commandé en Afrique du Sud, en Chine, en Allemagne et au Liban (í part les 400 tonnes fournies par la Chine), est encore bloqué et il n’est pas encore arrivé pour être distribué dans ce vaste pays.20 Un retard ou un report éventuel des élections porterait de gros risques car l’opposition a clairement dit que le mandat du Président Kabila prend fin légalement le 6 décembre et il serait donc illégitime s’il restait au pouvoir après cette date.21
La décision du parti au pouvoir de réduire la procédure électorale de deux í un tour, a été contestée par l’opposition. La pratique électorale antérieure en RDC était d’avoir deux tours de scrutin si aucun des candidats í la présidentielle n’arrivait í obtenir plus de 50% de voix au premier tour. Le dernier changement de la Constitution, appuyé par le parlement, donne une victoire immédiate au candidat qui obtient le plus de voix, même s’il a obtenu moins de 50% de voix í l’issue du scrutin. Cette décision a des implications sur le processus électoral parce que l’incapacité des candidats í remporter l’élection avec une simple majorité pourrait entraí®ner le report des élections jusqu’en 2012.22 Quoique cette démarche soit justifiée par le Gouvernement comme étant nécessaire pour réduire les coí»ts élevés d’un scrutin í deux tours et pour éviter les conflits í caractère identitaire í l’instar de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, au Kenya et en Guinée; l’opposition était contre ce changement: elle a dit que c’était une tentative du gouvernement de s’assurer d’une victoire aisée. Les citoyens ont également exprimé leur objection í ce changement. A l’est de la RDC, le 27 janvier courant, la police et l’armée ont dispersé des manifestations organisées par deux groupes de jeunes qui collectaient des signatures pour faire une pétition en faveur de l’annulation de ce changement de la Constitution. C’était dans les environs de Furu et Katwa í Butembo, au Nord-Kivu.23
Les suspicions et les plaintes n’ont pas favorisé des concertations positives mais elles ont plutôt créé la méfiance alors que les élections approchent. S’il y a la Constitution et si le processus de sa révision ou de son amendement n’est pas inclusif mais il se fait en faveur d’un groupe, cela réduit énormément la capacité de la population, y compris l’opposition, d’avoir confiance ou de faire foi í ce document. Par conséquent, quand la compétition électorale se fait dans un système électoral défectueux ou biaisé, ou en l’absence d’un système d’égalité des chances ou quand il y a une situation oí¹ tout le pouvoir revient au gagnant, il peut y avoir un regain des tensions tribales, l’intensification de la polarisation pouvant conduire í des violences intenses. Par exemple, au début de juillet, des centaines de militants de l’opposition ont manifesté devant le bureau de la CENI en réaction aux allégations faisant état d’irrégularités dans le processus d’enrôlement des électeurs.24 En plus, l’énorme superficie du pays et l’inaccessibilité des certaines régions de l’intérieur du pays, surtout les zones non sécurisées de l’est soulèvent la question de savoir quel sera le niveau de représentativité et d’inclusion de tous les Congolais dans les résultats des élections.
Les élections auront lieu dans un environnement oí¹ les tensions ont un caractère historique, un environnement oí¹ des problèmes irrésolus existent encore. Cela pourrait éventuellement exacerber les violences liées aux élections dans le pays, surtout dans les régions susceptibles de connaí®tre d’intenses conflits ou de l’insécurité. En RDC, des conflits violents et l’insécurité de longue date sont devenus monnaie courante surtout dans la partie orientale du pays (Province Orientale et provinces du Nord et du Sud Kivu). La présence des groupes armés composés des locaux, des étrangers et des bandits dont les Maï-Maï, les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) et la LRA (Armée de Résistance du Seigneur) sont connus pour leurs attaques violentes contre des populations sans défense. Ils se livrent í l’enlèvement, í la mutilation, au viol, au recrutement des enfants soldats et í la tuerie.25 Les FARDC (l’armée gouvernementale) sont également accusés d’avoir commis des actes criminels, y compris la mort des civils.26 D’autres problèmes de longue date comme les litiges fonciers ne sont toujours pas résolus avec le retour des réfugiés qui parfois rivalisent avec les communautés hôtes. Tout cela, c’est parce que la terre est une ressource essentielle í la vie et un facteur de pérennisation d’un conflit. Elle a également des rapports avec l’identité et le pouvoir; elle continue de contribuer aux conflits tant í l’intérieur qu’í l’extérieur de la communauté. Par ailleurs, le Gouvernement affronte les milices pour le contrôle des terres et des gisements des minerais.
Les élections auront lieu dans la région très instable de l’est. Le processus d’enrôlement des électeurs l’a démontré quand les rebelles ont attaqué des centres d’enrôlement situés autour de lí oí¹ ils vivaient; cela a compliqué la tí¢ches des électeurs qui voulaient répondre í l’appel (civique).27 La probabilité des violences au moment des élections est également aggravée par la présence des mouvements qui combattent le Gouvernement dans les Kivu, le Bas-Congo, le Katanga et l’Equateur.
Les violences liées aux élections dans le pays auront un effet déstabilisateur dans les pays voisins. Le potentiel d’embrasement de toute la Région des Grands Lacs ne peut pas être minimisé si les violences éclataient en RDC. Cela est aussi dí» au fait que la Région des Grands Lacs a connu beaucoup de conflits sanglants dans un passé récent; par exemple, le Burundi en 1993 et le génocide du Rwanda en 1994. L’impact de ces violences s’était rapidement répandu aux pays voisins. í‰tant donné que les frontières sont perméables et poreuses, elles font ressentir les effets des conflits partout: les mouvements des réfugiés, les mouvements des groupes armés í travers les frontières, la circulation illégale des armes. La probabilité des violences liées aux élections se multiplie í cause des conflits actuels í l’est du pays, puisqu’il y existe déjí de petites armées et des groupes armés aux réseaux bien développés et cela peut facilement alimenter les tensions.
Une violence éventuelle pourrait affecter négativement les efforts actuels de consolidation de la paix et empirerait une situation socioéconomique déjí désastreuse. D’après les estimations publiées par le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), le nombre des déplacés a augmenté, passant de 1.706.591 en septembre 2010 í 1.734.790 en mars 2011. Cette situation pourrait exacerber gravement les violences d’origine électorale; ce qui pourrait mettre un fardeau additionnel sur les ressources humaines déjí insuffisantes.
Des organisations comme Amnesty International ont révélé un système judiciaire faible dans le pays au moment oí¹ il se dirige vers les élections. Cette faiblesse est due au manque d’accès au processus par la population, í la politisation du processus judiciaire et aux menaces auxquelles les juges sont victimes. Cette publication a mis au grand jour l’impunité en situation de conflits et la possibilité de la voir s’intensifier s’il se produisait des violences d’origine électorale. Les tueries extrajudiciaires, les détentions arbitraires, les tortures et les maltraitances pendant les élections de 2006 sont restées impunies. Des crimes, y compris les tortures, les violences sexuelles, continuent de se commettre í grande échelle et seulement une poignée d’auteurs de ces crimes a été traduite en justice. Sans ce système en place pour arrêter, juger et condamner les auteurs des crimes, cette faiblesse pourrait déclencher les violences perpétrées par des individus qui savent qu’aucune action judiciaire ne sera intentée contre leur personne pour les actions qu’ils auront commises.
Promouvoir le dialogue sur la prévention des conflits par des moyens diplomatiques pour s’assurer que les acteurs-clés sont engagés í avoir des élections apaisées. Par exemple, le déploiement de la mission pré-électorale de l’UA en RDC convient pour exhorter les parties prenantes de haut niveau í s’engager í la non-violence. Les récents efforts faits par l’Union Africaine et le Programme Africa Peace and Security (Paix et Sécurité de l’Afrique) de l’IPSS (Institut des études de la paix et de la sécurité) d’organiser í Addis-Abeba des négociations entre les principaux partis politiques dans l’espoir de prévenir la violence au moment des élections, sont les bienvenus. Il faut intensifier de tels efforts í tous les niveaux dans les semaines qui viennent.
Les prochaines élections prévues en RDC et la probabilité de voir surgir des violences liées aux élections ne sont pas í minimiser. Les violences liées aux élections surgissent í cause du manque de confiance au processus électoral et í cause des tensions entre partis politiques et entre les partisans de ces derniers. En outre, les élections se déroulent dans un contexte de violents conflits (en cours), de grande insécurité, des plaintes classées sans suite et des réformes insuffisantes: toutes ces faiblesses seront de plus en plus ressenties au moment des élections. Il est important, non seulement de comprendre les raisons légitimes í la base des violences liées aux élections, mais aussi de concevoir des méthodes qui permettront de résoudre ces problèmes dans l’immédiat. Il convient de définir et de renforcer les mécanismes, les structures et les attitudes nécessaires pour s’assurer d’obtenir des résultats des élections non-violentes, libres et transparentes. Enfin, le rôle de toutes les parties prenantes devient particulièrement important pour atténuer, prévenir et contribuer aux élections apaisées et couronnées de succès.
Sur la base de ce qui précède, il s’avère important que le Président entrant s’engage í organiser, dans l’avenir, des élections non-violentes et justes. Il est nécessaire d’engager des discussions sur comment renforcer et institutionnaliser les mécanismes de prévention des violences liées aux élections, des mécanismes permettant d’examiner et de régler les litiges. Lesdits mécanismes devront être élaborés, renforcés et rendus efficacement fonctionnels pour les futures élections.